Web : épargnez-nous vos commentaires !
Rendre son site web participatif, encourager les conversations sur nos réseaux sociaux, créer de l’engagement : c’est ce que cherchent à atteindre les communicants numériques. Oui, mais à quel prix et pour quels résultats ?
Critiques stériles, injures, commentaires insipides, notions d’orthographe oubliées, la plupart des commentaires publiés sur les sites web d’information ou les réseaux sociaux présenteraient peu d’intérêt et seraient des défouloirs pour personnes en mal de reconnaissance.
Le journal Slate.fr relatait récemment ce phénomène dans un article. Plusieurs titres de presse ont d’ailleurs décidé de fermer les commentaires sur leurs éditions en ligne. Nous serions donc loin du web 2.0 et de ses débats citoyens constructifs.
Qu’en est-il des sites Web de collectivités ?
La recherche de l’avis des citoyens n’est pas récente. Rappelez-vous les forums de discussion à la fin des années 90. La plupart ont fait long feu, faute de succès ou à cause d’une prise de parole accaparée par un petit groupe de personnes. Les commentaires se sont déplacés dans les année 2000 sur les blogs puis plus récemment sur les réseaux sociaux, qu’ils soient mis en place ou non par les collectivités. Aujourd’hui chacun dispose de son espace individuel d’expression, sur Facebook et Twitter principalement.
Force est de constater que globalement, la qualité des commentaires sur nos sites web et pages Facebook ne suscite guère l’enthousiasme, si ce n’est la satisfaction d’obtenir un minimum d’engagement. Mais faut-il en attendre davantage ? Le cadre institutionnel ne s’y prête guère et si réaction il doit y avoir, elle se passe la plupart du temps dans un espace moins contrôlé où il y a peut-être moins la crainte d’une censure de l’administration. Ce n’est pas pour rien que les collectivités publiques investissent les réseaux sociaux depuis quelques années : être présent là où les habitants s’expriment. Mais il s’agit ici bien plus souvent de réactions émotionnelles : “j’aime”, “je n’aime pas”, “je suis en colère”, “j’adhère”… que de commentaires construits et argumentés.
Au delà du commentaire, susciter la participation citoyenne
Observons quelques sites web bordelais que je consulte régulièrement. Le site du quotidien régional ouvre la plupart de ses publications aux commentaires et met en avant les actualités qui sont les plus commentées. Le niveau des commentaires est inégal et souvent inintéressant comme le constatait l’article de Slate. Nous sommes bien au café du commerce.
Le site de la ville de Bordeaux offre un espace à commentaires en bas de ses pages, non publiés sur le site. Il s’agit ici de pouvoir répondre rapidement à des remarques ou interrogations des internautes, sans qu’ils aient à chercher où se trouve le formulaire de contact. “Nous récoltons très peu de messages du type – Encore de l’argent public dépensé n’importe comment -” déclare Anne Briolais, responsable du service e-communication de la ville. “Ce sont plutôt des demandes de renseignements complémentaires liés aux pages visitées, ou des suggestions, des remarques souvent constructives qui nous permettent d’améliorer le site internet”.
Autre espace de publication, plus exigeant mais aussi potentiellement plus riche, le site dédié à la participation citoyenne de la métropole. Les habitants sont invités à donner leurs avis sur les concertations en cours. Aujourd’hui les commentaires sont alimentés par un public restreint et plutôt militant. Une nouvelle version du site, plus pédagogique et interactive verra le jour dans les semaines à venir et sera proposée à toutes les communes de la métropole.
Hors de la sphère publique, un autre phénomène se développe : la civic tech. Diverses plateformes à vocation citoyenne émergent ici et là pour palier le désintérêt des citoyens vis à vis de la sphère publique et politique. Il s’agit à travers ces sites incitatifs de chambouler et de s’approprier une nouvelle forme de démocratie directe.
Alors, allons-nous vraiment vers la fin des commentaires sur le web ? Sous leur forme actuelle, sans doute. C’est à souhaiter. Proposer de nouvelles formes qui permettent une expression construite et pensée : c’est notre enjeu de communicant public.
Marc Cervennansky
@cervasky
Illustration d’après www.miraclestudios.com