Repenser la concertation publique
Le drame de Sivens peut-il être analysé comme l’aboutissement d’un processus de concertation inadapté ? Et tous les grands projets d’infrastructures et d’aménagement ne sont-ils pas menacés par des formes de contestation plus ou moins violentes lorsque les concertations ne sont que de sympathiques informations au public voire de cyniques manipulations ? Je crains qu’il me faille répondre : oui.
La procédure administrative de la concertation et sa grande sœur du débat public ne peuvent être envisagées comme des finalités par les élus ou les maîtres d’ouvrages. Et pourtant… Combien de « c’est bon, on a fini la concertation on peut y aller » entend-on de ci de là ? Ce processus parfois long, souvent coûteux en énergie et en implication pour des services administratifs (eh oui, la moindre réunion publique doit se dérouler en dehors d’horaires de travail pour justement être accessible au public) est une véritable boîte de Pandore si on ne se donne pas les moyens de l’ambition démocratique.
Une concertation c’est bien entendu l’exposé d’un projet mais surtout un état d’esprit ouvert à la contradiction et une règle du jeu posée sur les intangibles. Rappelons aussi qu’un débat public peut envisager l’opportunité même du projet ! Concerter c’est faire entrer dans la lumière les indécis, les sceptiques et les opposants au projet. Concerter c’est confronter les idées pour justement ne pas en arriver à la confrontation physique qui débouchera immanquablement sur l’exercice de la violence. Et cette concertation est d’autant plus nécessaire qu’il est aisé de constater que l’exercice de la violence militante et publique est de retour : des couteaux et diverses armes par destination avaient été saisis sur des « participants » au débat public sur l’enfouissement des déchets nucléaires (Cigéo), les affrontements ont été nombreux à Notre-Dame-des-Landes, et Rémi Fraisse est décédé à Sivens.
Sans la naïveté qui laisserait place libre aux professionnels du chaos, il convient de repenser l’exercice concertatif, de lui redonner une légitimité aux yeux de tous, de réaffirmer les méthodes. Il faut former les élus et les maîtres d’ouvrage trop souvent perdus dans les arcanes des concertations, il faut imaginer des outils qui aident véritablement à la participation, et je crois plus à une application Smartphone qui permette de s’exprimer sur un projet qu’à une bonne vieille réunion publique soporifique un jeudi soir du mois de novembre. Et il faut bannir ceux qui pensent que la violence est légitime.
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