L’envol du téléphérique urbain
L’édition lyonnaise de Rue 89 faisait paraître, début janvier, un article sur l’arrivée possible d’un téléphérique urbain dans la capitale des Gaules à l’horizon 2025, reliant le pôle économique de Gerland à Francheville, commune de la Métropole. Une actualité qui fait écho aux nombreux projets qui ont, ou qui verront, le jour en France et qui nous a donné envie, en tant que spécialistes de la mobilité, de nous pencher d’un peu plus près sur le sujet.
La terre vue du ciel
Inauguré en 2016, le téléphérique de Brest, présenté comme le premier téléphérique urbain en France a été pensé pour s’intégrer et se connecter au réseau de transport Bibus, exploité depuis 2019 par RATP Dev, afin d’offrir une solution de mobilité efficace et intégrée aux Brestois. Les 450m de liaison permette ainsi de franchir en 3 minutes les rives de la rivière Penfeld, reliant ainsi le nouvel écoquartier des Capucins au reste de l’agglomération. On pouvait lire dans un article du Monde que « cette zone, qui abritait des ateliers de construction navale, était comme une cité interdite, accessible seulement par l’ouest », selon Victor Antonio, directeur des mobilités de Brest Métropole. Muni d’un seul ticket de transport vendu 1,60€, l’usager pouvait utiliser le téléphérique et poursuivre sur le reste du réseau. Un « choix délibéré car notre objectif est de favoriser la marche et les transports en commun, et d’éviter autant que possible d’amener des voitures dans ce nouveau quartier » défendu par Yohann Nédélec, vice-président de Brest Métropole chargé des transports et des grands projets.
Une solution du quotidien donc, qui contraste avec l’usage jusqu’ici quasi-récréative du téléphérique urbain hexagonal : il est en effet difficile de parler de téléphérique urbain en France sans évoquer les bulles grenobloises. Prenant d’abord la forme de cabines semblables à celles que l’on croise en station de ski, ce fil d’acier qui relie la ville au sommet de sa Bastille (site touristique majeur de la ville) depuis 1934 n’accueillera les célèbres bulles qu’en 1976.
Depuis sa création, le téléphérique a fait voyager plus de 14 millions de visiteurs et constitue d’ailleurs l’un des piliers de la communication touristique de la ville. Offrant un panorama époustouflant sur la ville et ses reliefs, le téléphérique permet également d’atteindre le site historique et touristique de la Bastille.
« L’important, ce n’est pas la destination, mais le voyage en lui-même », cette phrase de Robert Louis Stevenson semble avoir été inventée pour parler du téléphérique.
Un levier d’attractivité véritable, à en juger par les nombreux articles vantant ou classant les plus beaux téléphériques et les plus beaux panoramas, et le nombre de visiteurs qui se ruent chaque année sur ces équipements. On ne résiste pas à vous donner des envies d’évasion : La Paz en Bolivie, le Gulmarg Gondola dans l’Himalaya, le Table Mountain Cableway en Afrique du Sud ou encore le téléphérique de Zacatecas au Mexique.
Le transport par câble, une réponse aux territoires contraints
Dans le cas de Lyon, le téléphérique semble s’imposer comme une réponse pratique et toute naturelle aux contraintes posées par le territoire : le téléphérique survolera ainsi la M7 (ancienne autoroute A7), le Rhône et permettra de désenclaver le quartier de Francheville Le Haut. Un projet qui devrait permettre de raccourcir le temps de trajet entre Francheville et Gerland estimé à 50 minutes en voiture selon le SYTRAL, Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise, et qui devrait être réduit à 20 minutes en télécabine.
Grenoble, ville enserrée au pied des Alpes, plébiscitera elle-aussi et une fois encore le métrocâble pour des motifs d’efficacité, de désenclavement et de fluidification de la circulation en raison des nombreux obstacles naturels et artificiels présents sur le parcours du futur téléphérique afin de relier Fontaine La Poya à Saint-Martin-le-Vinoux, séparées par deux rivières (le Drac et l’Isère), au nord-ouest de Grenoble. Une ligne qui traversera le quartier de la Presqu’île, pôle scientifique et universitaire de la capitale alpine et berceau de futurs projets d’aménagements. Une solution de mobilité qui se conjugue au développement de l’agglomération en lui permettant de surpasser, littéralement, les contraintes de son territoire.
Une solution économique et écologique
Quelques années après la mise en service du téléphérique brestois de 420 mètres de longueur, Toulouse devrait inaugurer cette année son propre téléphérique d’un tracé de trois kilomètres cette fois. Actuellement en chantier, la ligne reliera l’université Paul-Sabatier à l’Oncopole en passant par l’hôpital de Rangueil. Une solution présentée comme bien moins onéreuse que la construction d’une ligne de métro qui présente des arguments écologiques certains. Le téléphérique, électrique et économe en énergie, promet de surcroit la réduction du trafic automobile en surface.
Un mode qui n’a pas vocation à se systématiser mais qui vient compléter un réseau existant, si on en croit Christian Bouvier, vice-président de l’entreprise Poma, un des leadeurs mondiaux du secteur : « Le transport par câble n’a pas la même performance qu’un métro. Quand le téléphérique transporte au maximum 5 000 passagers par heure, le métro circule avec 15 000 à 20 000 personnes par heure. Maintenant que ces transports lourds ont été construits, le marché français est plus mature pour accueillir le téléphérique, qui complète l’offre de transport ».
Téléphérique urbain à Créteil, deuxième ligne à la Réunion, projet ajaccien, le téléphérique a le vent en poupe. Une dynamique qui n’est pas étrangère à la loi de transition énergétique : en 2015 une ordonnance était en effet publiée par le gouvernement afin d’instaurer une nouvelle servitude d’utilité publique pour « le transport urbain par câble », venant combler le vide juridique entourant la question du survol des habitations et les emprises au sol, chez les particuliers. Une nouvelle qui a trouvé écho chez les collectivités, séduits par les chiffres positifs de l’équipement : quand il faut débourser autour de 50 M€ pour construire un kilomètre de métro, entre 15 M€ et 25 M€ pour un tramway, le coût est de 5 M€ à 10 M€ pour le téléphérique indique Le Parisien. Un équipement réversible qui présente l’avantage d’être très vertueux. Toujours selon Le Parisien, « quand [le téléphérique urbain] émet 10 g de gaz à effet de serre par kilomètre et par passager, le tramway en émet 17 g, le métro 23 g et le bus 76 g ».
De quoi imaginer un futur la tête en l’air.
Bonjour, j’apprecie beaucoup cet article! J’adore les téléphériques. Avez-vous des informations sur celui de Barcelone?