La place du vélo en ville, un faux problème ?
Les pouvoirs publics sont désireux d’encourager la pratique du vélo comme un outil de lutte contre la pollution et de désengorgement des transports publics. Cette ambition s’accompagne d’ailleurs d’un véritable engouement pour le deux-roues. Pourtant, la place qu’on accorde à la bicyclette dans la ville reste confuse. En attestent les retards pris dans l’exécution des schémas d’aménagements cyclables et les débats enflammés qu’ils suscitent.
Une place contestée
Dans un contexte de transition énergétique et de réduction de la pollution, la petite reine a tout bon. Elle affiche les atours d’une alternative durable et égalitaire pour répondre aux enjeux de la mobilité, du bien-être, de la santé et de la qualité de l’air. Si tous s’accordent sur les bénéfices du vélo, sa place dans la ville suscite pourtant des irritations publiques. Automobilistes contre cyclistes, collectivités contre Etat, politisation du débat, la mécanique grippe et peine à passer la vitesse supérieure.
Au niveau hexagonal, ce sont les Départements et Régions Cyclables (DRC) qui demandent à l’Etat d’assumer ses responsabilités. Ces collectivités lui reprochent son désengagement dans la mise en œuvre du Schéma national vélo qui ambitionne une France à bicyclette d’ici 2030, avec 22 000 kilomètres d’itinéraires cyclables. Un projet loin d’être mis en œuvre.
A Paris, le plan Vélo 2020, brandi comme une arme anti-pollution, accuse du retard. Seul 20% de ce plan, voté à l’unanimité en 2015, devrait être réalisé d’ici la fin de l’année. Dans la capitale, chaque aménagement cyclable déclenche une levée de boucliers.
Voitures contre circulations douces
Le cas de la rue de Rivoli, dont la circulation automobile sera réduite à une seule voie pour laisser place aux deux roues, résume à lui seul la lutte houleuse entre voitures et circulations douces. Les automobilistes voient rouge face à un trafic de plus en plus congestionné, les commerçants craignent pour leur livraison et leur fréquentation. La préfecture de Paris quant à elle s’inquiète pour le passage des véhicules prioritaires. Les insatisfactions s’enveniment.
De leur côté, les cyclistes pointent du doigt les incohérences des aménagements dans la capitale. Pédaler sur des couloirs de bus, monter sur un trottoir pour rejoindre l’itinéraire, se méfier des portières qui s’ouvrent sur des pistes étroites. L’itinéraire du cycliste ressemble parfois au parcours du combattant, tout en obstacles et surprises. Ainsi l’on peut remonter l’avenue de la Grande Armée en toute tranquillité pour déboucher sur l’Arc de Triomphe, véritable piste d’auto-tamponneuses ! Un cauchemar pour les vélos. Sans compter les risques quotidiens d’accidents dus aux angles morts des automobilistes ou aux trous sur la chaussée.
Bref, Paris, qui se rêve en capitale du vélo, est loin derrière Copenhague, Amsterdam, Vancouver ou même Strasbourg, qui s’est hissée à la quatrième place mondiale des villes où il fait bon pédaler.
Pourquoi est-ce donc si compliqué ?
Le vélo au cœur de la chaîne des transports
Si les décideurs publics veulent encourager la pratique du vélo pour tous, ils doivent s’en donner les moyens. Il devient urgent de s’interroger sur notre conception collective du vélo et son intégration dans la chaîne des transports. Est-ce une mobilité supplémentaire, complémentaire ou de substitution ?
On attend d’un réseau de métro, de bus, ou bien d’une voiture que ce mode de déplacement soit rapide, régulier et nous emmène sur nos lieux quotidiens.
Pourquoi n’en irait-il pas de même des itinéraires cyclables ? Le nombre de kilomètres importe moins que la qualité des aménagements. L’important est de pouvoir rouler rapidement, sans freiner tous les cent mètres, en sécurité et en confiance dans son environnement, afin de rejoindre des pôles d’attractivité.
Le vélo doit aussi compléter les offres de transports publics. Encore faut-il aussi pouvoir stationner son vélo près d’un métro ou d’une ligne de train. En Île-de-France, le service Véligo offre un début de solution, grâce à des espaces de stationnement sécurisés aux abords d’une soixantaine de gares et stations. L’idéal serait d’étendre ces abris à l’ensemble des stations névralgiques de la capitale.
Changer de mentalités
Repenser la place du vélo en ville est aussi une affaire de moyens publics mais aussi de mentalités. Dans la capitale, on s’agace de ces cyclistes du dimanche qui roulent sur le trottoir, le nez en l’air levé vers les toits parisiens. A Tokyo, on ne se pose pas la question. Piétons et cyclistes partagent le même espace quand les routes sont trop encombrées, c’est une question d’habitudes.
A l’heure de la concertation citoyenne, pourquoi les acteurs de toutes les mobilités ne se mettraient-ils pas autour d’une même table ? Les aberrations de la voierie sont souvent le fruit d’un manque de dialogue. Quant aux comportements, les pratiques des uns et des autres nécessitent de se réajuster pour mieux cohabiter. Un cycliste est souvent également un automobiliste et vice versa.
Dans cet esprit, on voit d’ailleurs se développer des vélo-écoles pour apprendre à ceux qui ne pédalent plus à se lancer dans la jungle urbaine. Les soixante-dix vélos-écoles françaises forment chaque année quelques 18 000 personnes. Un chiffre qui ne cessera d’augmenter, au vu de l’engouement pour le vélo.
Et si la « vélorution » est en marche, pourrait-on rêver que nos enfants aillent en vélo à l’école sur des pistes dédiées ? A leur tour, ils pourront fredonner « quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins, à bicyclette ».
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