Initiation au marketing territorial
Pour comprendre le marketing territorial, nous vous proposons une série d’articles rédigés par Marc Marynower pour les éditions Weka.
Découvrez ici le premier article de la série.
Le contexte
Confrontés à un environnement de plus en plus concurrentiel, les territoires de toute taille (quartier, ville, intercommunalité, département, région, pays…) s’attachent à favoriser le maintien et l’évolution in situ des acteurs déjà présents (développement endogène), comme à attirer, de façon exogène, de nouveaux hommes et capitaux.
La logique de marché, et donc de marketing, influence dès lors le développement des territoires… et la crise économique accentue le phénomène concurrentiel, compte-tenu d’une offre (équipements touristiques, parcs d’activités, centres d’expositions et de congrès…) devenue surabondante par rapport à la demande.
Ainsi, entrepreneurs, cadres, jeunes actifs, résidents, touristes, étudiants, porteurs de projet… constituent les cibles classiques du marketing territorial, qui cherche à promouvoir les atouts et potentialités du territoire, en valoriser son image (marketing de l’offre) comme à répondre aux attentes supposées des cibles (marketing de la demande).
En pratique
Élaborer une politique de marketing territorial exige d’avoir constamment à l’esprit les deux sources « endogène » (fidélisation) et « exogène » (conquête) qui, conjuguées en synergie, favorisent le développement du territoire.
Deux grands enjeux
Au plan intra-territorial, l’enjeu est de cultiver l’attachement des acteurs à leur propre territoire, leur fierté d’appartenance… afin d’encourager leur fidélité et de retenir in situ les talents, les énergies, les richesses aux différentes étapes des parcours de vie, personnels ou professionnels, de chacune des « forces vives » du territoire. Il s’agira, par exemple, de maintenir des jeunes en milieu rural, de favoriser le développement local d’une entreprise, d’encourager les étudiants à s’installer… mais aussi de faire que les acteurs attachés au territoire (qu’ils l’habitent ou qu’ils en soient partis, formant alors une « diaspora ») en deviennent de véritables prescripteurs, des ambassadeurs, vis-à-vis des publics extra-territoriaux.
Au plan extra-territorial, l’enjeu est de promouvoir le territoire pour en renforcer son attractivité : le faire connaître et remarquer, valoriser clairement ses atouts spécifiques, le positionner de façon différenciatrice, « donner envie »… afin de favoriser une prise de contact, puis d’accompagner le prospect jusqu’à la concrétisation de son projet sur le territoire. Il s’agira, par exemple, d’attirer des touristes de loisirs ou d’affaires, des créateurs ou dirigeants d’entreprises, des étudiants, des chercheurs, des personnels qualifiés, de nouveaux habitants, des investisseurs, des organisateurs d’événements sportifs ou culturels… qui viendront renforcer le tissu économique, l’équilibre démographique et la réputation du territoire.
Première phase de la démarche : le diagnostic
Souvent initiée par une collectivité locale ou l’un de ses satellites (agence de développement, en général), la démarche concerne en réalité bien plus de parties prenantes publiques et privées, qu’il convient d’inventorier et de fédérer, pour assurer cohérence et efficience dans l’élaboration, puis la mise en œuvre de la politique de marketing territorial. La mobilisation des acteurs du territoire, en interaction permanente entre eux tout comme vis-à-vis des publics externes, est essentielle à la réussite de la démarche.
La première phase du travail consiste à établir, à partir d’études documentaires, d’interviews, de benchmark… un diagnostic sur la situation actuelle du territoire, à partir d’une analyse fine des éléments constitutifs de son identité (historique, géographique, climatique, patrimoniale, symbolique, sociale, culturelle, économique, organisationnelle…), une cartographie de ses acteurs (intra et extraterritoriaux, clients et prospects, relais d’opinion…), une revue de ses projets… afin de dégager ses principaux atouts mais aussi ses principales faiblesses. Sont notamment à prendre en compte les composantes de l’offre (qu’a-t-on à proposer), les éléments financiers (niveau de prix, aides mobilisables…), l’organisation de la mise en marché (structures opérationnelles, « guichet » clients…) et la communication (notoriété, image, incitation…).
Puis à analyser, dans le contexte (géopolitique, économique, socio-culturel, concurrentiel…) au sein duquel se trouve le territoire, les facteurs positifs (opportunités) ou négatifs (menaces) qui peuvent influencer la politique de marketing territorial. Les études de marché constituent, à cet égard, des sources intéressantes d’information.
Ces éléments peuvent être résumés, de façon classique en marketing, sous la forme d’une matrice SWOT.
NB : parmi les questions que soulève le diagnostic, il est important de préciser la différence fréquemment constatée entre la réalité des choses et la façon dont elles sont perçues, tant par les publics intra qu’extra-territoriaux : cet écart entre réalité et perception pourra être à l’avantage ou au détriment du territoire (réputation). C’est pourquoi une étude d’image est souvent utile dans le cadre du diagnostic, aussi bien pour constater la situation que pour établir un « point zéro » qui permettra d’analyser ultérieurement les progrès, en termes de perception/représentation, liés à la politique de communication…
Seconde phase de la démarche : la stratégie
Partant de la situation actuelle de territoire, il s’agit ici, tout d’abord, de préciser la finalité stratégique de la démarche de marketing territorial, en répondant aux questions suivantes : quels en sont les résultats attendus ? à quoi dira-t-on que la démarche est une réussite ? En d’autres termes, quelle ambition pour le territoire, quels objectifs assignés à la stratégie , quelles cibles prioritaires ?
Les cibles doivent faire l’objet d’un travail précis de recensement, de caractérisation, de segmentation : quelle(s) typologie(s) (géographique, démographique, sociologique, professionnelle…) visée(s) ? quelle connaissance et image ont-elles du territoire ? quelles sont leurs pratiques actuelles, liées à quelle(s) motivation(s) ? quels atouts trouvent-elles aux territoires concurrents (lesquels) ? quelles sont leurs aspirations profondes, leurs attentes objectives, leurs critères et leur circuit de décision ? …
À noter que la stratégie peut être centrée sur tel ou tel champ d’attractivité (économique, touristique, résidentiel, étudiante…) ou transversale (attractivité globale)… Les interactions étant toutefois fortes en matière d’attractivité, une approche globale est à privilégier, dans la mesure où elle s’avère pertinente… ce qui n’est pas toujours le cas.
Puis, en fonction des publics visés et de leurs attentes, doit être élaboré le discours du territoire, sa « promesse », reposant sur une argumentation solide, étayée par un ensemble de preuves (arguments existants ou à développer, dans le cadre du plan d’actions)… Le choix d’un positionnement prometteur, différenciateur et pérenne… exprime, de façon la plus synthétique possible, « la place » que souhaite occuper le territoire dans l’esprit de ses publics. Prometteur aux yeux des cibles visées (répondant, de manière attractive, à leurs aspirations préalablement détectées). Différenciateur, pour générer de la différence positive (préférence) vis-à-vis des territoires concurrents. Pérenne, enfin, car une image se construit dans le temps et avec le temps…
Troisième phase de la démarche : le plan d’actions
Préalable au déploiement de toute communication, la démarche de marketing territorial intègre « tous les compartiments du jeu » qui, conjugués de façon « orientée client », renforceront l’attrait du territoire. Notamment l’amélioration intrinsèque de l’offre (produits et services associés, constitutifs de solutions pertinentes d’installation résidentielle familiale ou d’implantation d’entreprise, de propositions touristiques attractives, etc.) et de sa lisibilité, selon nécessité ; la formalisation et la validation concurrentielle (cf marché de référence) des conditions financières d’accès à l’offre ; l’organisation et l’optimisation de l’interface clients (souvent perçue par les prospects comme complexe et technocratique)…
La stratégie de communication (de conquête, pour les prospects, ou de fidélisation, pour les « clients » actuels) a pour mission de révéler le territoire ou de mieux le faire connaître, d’en délivrer une image positive (et supérieure aux territoires concurrents), ou enfin d’inciter à la prise de contact en vue de la concrétisation d’un projet personnel et/ou professionnel.
Elle se développe au travers d’une politique de marque, reprenant le nom du territoire ou adoptant une appellation créée spécifiquement (pour, à l’idéal, faciliter l’identification et faire sens) sous laquelle plusieurs partenaires peuvent s’engager ensemble dans le cadre d’une démarche collective : OnlyLyon, CréativeVallée… Ce principe, dit « place-branding », repose sur une plateforme de marque basée, entre autres, sur un positionnement clair, une argumentation cohérente, des valeurs partagées…
Enfin, la communication se traduit sous la forme de plans d’actions (on-line et off-line : relations publiques, relations presse, salons et événements, marketing direct…), généralement à destination des différentes parties prenantes :
– les élus, dirigeants et personnels des structures publiques, consulaires et/ou privées, constituant les partenaires coproducteurs de la démarche (et souvent associés à sa gouvernance) qui, conscients de leur intérêt partagé, pourront œuvrer en synergie pour contribuer au développement du territoire
– les acteurs attachés au territoire (habitants, entrepreneurs, personnalités… présents sur place ou formant diaspora), invités à en devenir les ambassadeurs et à le promouvoir auprès de leur cercle relationnel
– les influenceurs : leaders d’opinion, relais institutionnels (par exemple, les structures nationales de promotion, pouvant prendre le relais à l’international), prescripteurs , journalistes…
– et bien évidemment les « prospects » : touristes, résidents, entrepreneurs, étudiants… potentiellement intéressés par le territoire en tant que destination ou nouvel espace de vie.
Dernier point à souligner, la nécessité de piloter sa démarche de marketing territorial dans le temps, en fonction de l’évolution du territoire, du contexte socio-économique, de la concurrence… et de l’évaluation dont doit faire preuve le plan d’actions.
Conseil
Sur la qualité du diagnostic, repose toute la construction de la démarche… d’où l’importance de « faire le tour de la question » de la façon la plus objective possible, pour concevoir sa démarche de marketing territorial sur des bases solides. Or, le fait d’appartenir à un territoire, pratiqué au quotidien, risque fort de fausser le regard que l’on porte dessus : il faut se méfier de soi-même !
Dès lors, les études d’image, menées auprès des différents publics concernés, apportent de précieux enseignements : elles permettront de mieux cibler sa démarche, d’ajuster les propositions et argumentaires, d’élaborer de façon pertinente le positionnement, de définir et optimiser le plan d’actions…
Erreurs à éviter
Nombre d’erreurs sont à éviter… la principale étant de céder à la tentation du « copier-coller » en termes de stratégie et de pratique du marketing territorial, alors que chaque territoire nécessite une réflexion toute spécifique.
Quelques pièges classiques :
– confondre marketing territorial et communication : un bon logo, un bon slogan, une bonne communication ne valent que dans le cadre d’un marketing cohérent (offre produits/services structurée et attractive, conditions financières compétitives, organisation coordonnée et accueillante pour les prospects…)
– se calquer systématiquement sur les frontières (et le nom) de son territoire administratif… qui ne font pas forcément sens vis-à-vis des publics visés, et/ou dans les champs d’attractivité concernés.
– élaborer sa démarche sans impliquer, dès le début, les acteurs du territoire alors qu’ils en seront les premiers concernés et les relais les plus efficaces, en termes de conquête vers les publics extra-territoriaux comme de fidélisation vers les « intra ».
– vouloir créer à tout prix une « marque de territoire », d’autant plus si on n’a pas les moyens d’en assurer la promotion : peut-être vaut-il mieux rejoindre la dynamique marketing-communication d’un territoire plus large que le sien ?
Aller plus loin
Bibliographie
Gollain Vincent, Réussir sa démarche de marketing territorial, éditions Territorial
Meyronin Benoit, Le marketing territorial, enjeux et pratiques, éditions Vuibert
Noisette Patrick, Vallérugo Franck,Un monde de villes, le marketing des territoires durables, éditions de l’Aube
Blogs
marketing-territorial.org (Vincent Gollain)
brandingthecity.com (Boris Maynadier)
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