Et maintenant, Mesdames et Messieurs les Maires, agissez pour vos sols pollués

par Thibault Soleilhac La loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 sur les risques, dite loi « Bachelot », a largement réécrit l’article L. 541-3 du Code de l’environnement.   Celui-ci dispose que : « En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable. ». Code-de-l-environnement.jpg Il existe donc une possibilité juridique d’intervention en matière de sols pollués, en lien avec la police des déchets, détenue par le maire. La question est désormais d’actualité pour quasiment toutes les constructions nouvelles en milieu urbain, les extensions ne pouvant souvent se faire que sur des friches industrielles. Les travaux nécessitent une dépollution des terrains d’autant plus importante et coûteuse que l’affectation prévue est sensible (école, crèche…). Le maire peut mettre en demeure l’exploitant d’assurer la remise en état du site aux frais du responsable ! La question de savoir si le maire pouvait intervenir alors que les pouvoirs de police en matière d’installations classées appartiennent au préfet en application de la loi du 19 juillet 1976 est longtemps restée en suspens. sols-pollues-5.1227291313.jpg La jurisprudence a dans un premier temps reconnu au maire une possibilité d’action dans le domaine des installations classée, mais uniquement en cas de péril imminent (CE, 15 janvier 1986, Société Pec Engineering) ou encore sur le fondement de la police des déchets, quand bien même ceux-ci sont en relation avec une installation classée (CE, 18 novembre 1998, Jaegger). Il a fallu attendre un arrêt de 2004 pour que le Conseil d’Etat reconnaisse explicitement la compétence du maire en la matière (CE, 17 novembre 2004, Société générale d’archives). Le titulaire du pouvoir de police peut donc mettre en demeure l’exploitant d’assurer la remise en état du site et, à défaut, de faire exécuter les travaux d’office, aux frais du responsable, nous dit le Code. pollusol.jpgLa seconde question qui se pose est donc de savoir qui est ce responsable. Si on se réfère à la police des installations classées exercée par le préfet, le débiteur de l’obligation de remise en état est l’exploitant de l’installation, régulier ou irrégulier, à l’exclusion du propriétaire (CE Ass., 8 juillet 2005, Alusuisse Lonza France ; 21 février 1997, SCI Les Peupliers et SA Wattelez). Si plusieurs exploitants se sont succédés sur le site, soit ils ont exercé la même activité, auquel cas, c’est le dernier exploitant qui est tenu de prendre en charge l’ensemble des travaux de réhabilitation (CE, 20 mars 1991, Rodanet), quitte pour lui à exercer des actions récursoires contre ses prédécesseurs, soit ils ont exercé des activités différentes et chacun est tenu d’une obligation de remise en état directement liée à son activité industrielle (CE, 11 avril 1986, Ugine Kuhlman ; 17 novembre 2004, Société générale d’archives). sols-pollues-3.1227291208-copie-1.jpg Des règles complémentaires permettent de régler les situations de fusion-absorption des sociétés exploitantes et les conséquences de leur éventuelle liquidation juridiciaire. La dernière question est de connaître l’étendue de la responsabilité qui incombe au détenteur ou au producteur des déchets. Le Conseil d’Etat confirme qu’il reste responsable de ceux-ci jusqu’à ce que leur élimination soit achevée. Il ajoute, ce qui est repris par une circulaire de la ministre de l’Ecologie et du développement durable aux préfets du 18 septembre 2006 (non parue au J.O.), que le fait qu’il ait transféré par contrat cette mission à un tiers ne le décharge pas de cette responsabilité. bidons3 reduitDes clauses de non-garantie de passif ont en effet pu être insérées dans les contrats de vente. Dans des cas relativement rares, il peut être stipulé des clauses limitatives ou exonératoires au profit du vendeur dont l’objet est de laisser à la charge de l’acquéreur tout ou partie des conséquences liées à l’état de pollution du terrain concerné, notamment en cas de changement d’affectation ultérieure du terrain. D’une part, la validité de telles clauses est subordonnée à des conditions très restrictives (notamment non connaissance de la pollution par le vendeur, ce qui est exclu quand le vendeur est un professionnel). D’autre part, et nonobstant les arrangements contractuels contraires, l’obligation de remise en état est indisponible (CE, 24 mars 1978, Sté la Quinoléine et ses dérivés et CAA Lyon, 9 décembre 1997, Sté Élipol) et son non respect engage la responsabilité personnelle de son débiteur à l’égard de l’acheteur du terrain pollué (Cass. 3e civ., 16 mars 2005, Sté Hydro Agri France). C
ette décision tient donc en échec les clauses insérées dans les actes de cession de friches industrielles qui visent à exonérer ou limiter la responsabilité contractuelle du cédant, dernier exploitant de l’installation classée soumise à l’obligation légale de remise en état, à l’égard du cessionnaire. photo1p67.jpg Jusqu’ici, le Conseil d’Etat ne s’était prononcé que dans des affaires où  le producteur de déchets exploitait une installation classée. L’arrêt du 13 juillet 2006 reprend l’ensemble de cette jurisprudence, mais appliquée à la législation sur les déchets et en particulier à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement. En conséquence, l’administration est fondée à mettre le traitement des déchets et, plus généralement, du sol pollué à la charge du producteur des déchets, quand bien-même celui-ci se serait déjà acquitté de la facture de leur élimination auprès du tiers avec lequel il avait passé contrat. Le XXe siècle a laissé en réserve des stocks importants de pollutions  La ministre de l’Ecologie insiste sur le fait que si le maire ne mettait pas en œuvre les dispositions de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement malgré la demande du préfet, il appartient alors à ce dernier de se substituer au maire pour mettre en demeure les responsables de la pollution de procéder à l’élimination des déchets en cause. sol-pollue-dechets-divers-2502003.jpg Enfin, la cession d’un terrain ayant supporté une activité industrielle s’accompagne d’une obligation d’information, soit au titre du Code civil, soit au titre du Code de l’environnement (art. L. 514-20, L. 512-18). Une attention particulière doit être portée à leur présence ou à leur exactitude, car l’une des sanctions d’un manquement à cette obligation peut être la restitution du prix lié à la dépollution. Le XXème siècle a laissé en réserve des stocks importants de pollutions. Notre démarche aujourd’hui ne doit pas conduire à transférer la responsabilité de leur résorption à la collectivité, ce qui serait illégitime et illégal. Notre pays a souhaité faire figurer dans sa Constitution le principe selon lequel « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi » (art. 4 de la Charte de l’environnement). Il revient à chaque maire d’assurer son effectivité en affichant clairement son engagement sur la voie du développement durable. solpolue.jpg

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Une pensée sur “Et maintenant, Mesdames et Messieurs les Maires, agissez pour vos sols pollués

  • 15 février 2010 à 7 h 09 min
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    Comment sensibiliser TOUS nos élus à ce sujet ? Par ailleurs je tenais à vous signaler cet événement organisé prochainement, où il serait peut-être bon de venir parler de cette thématique : http://www.acteurspublics.com/rtd-2010
    Cordialement,
    Eva

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