"Égocratie et démocratie" : de "Nouvelles Technologies Politiques" au service de l’intérêt général
Dans son ouvrage “”Égocratie et démocratie””, Alban Martin analyse les relations qui existent entre les citoyens, les élus et Internet. Il explique comment les nouvelles technologies peuvent permettre de rétablir le dialogue entre le représentant politique et le citoyen. L’essor des outils participatifs sur Internet a donné à ce dernier un pouvoir inattendu : l’égocratie. Nominé au trophée 2011 de l’e-démocratie, Alban Martin livre dans cet entretien sa vision de la société numérique de demain.
Blog-territorial : Qu’entendez-vous par ‘’égocratie’’ ?
Alban Martin : C’est un mot que j’ai emprunté à Michel Serres. L’égocratie est le pouvoir qu’a un individu de changer le cours des choses. C’est un pouvoir pris dans l’intermittence du suffrage universel, c’est-à-dire là où cet individu n’est pas censé avoir plus de pouvoirs que d’autres. C’est le cas d’Etienne Chouard qui, au moment du référendum sur la Constitution européenne, a écrit un pamphlet contre ce projet. Étant donné que l’égocratie peut être aussi bien une opportunité qu’une menace, le représentant politique doit savoir comment la mettre à profit et faire en sorte qu’elle serve l’intérêt général.
“L”enjeu de la décennie, c”est de trouver de Nouvelles Technologies Politiques “
B-T : Comment évaluez-vous les relations entre les représentants politiques et les outils du Web 2.0 aujourd’hui et dans le futur ?
A.M. : J’ai observé que les représentants politiques utilisent notamment des outils comme le blog ou les forums pour s’exprimer, dans un cadre de communication one-to-one. Aujourd’hui, avec les outils de publication one-to-many, la prise de parole politique devient plus facilement publique. Ceci change la nature de l’espace public, généralement fait de propos privés. En étant publiés sur des outils participatifs, ces propos vont alors venir enrichir considérablement la sphère publique.
L’enjeu de la décennie, c’est de trouver de “”Nouvelles Technologies Politiques”” qui permettront de créer de l’intérêt général, ou de la volonté générale lorsque l’on est un représentant politique. Cela doit être fait en se fondant non plus seulement sur des choses globalisantes comme les médias ou les interviews d’experts, qui portent une voix déjà généralisée, mais sur des outils nouveaux comme le blog, le forum, en considérant que tous les citoyens ont leur avis à donner.
“Les réseaux sociaux peuvent faciliter l”engagement politique des citoyens“
B-T : Pensez-vous que les réseaux sociaux ont un rôle important à jouer en terme de
démocratie ?
A.M. : Oui ! Les réseaux sociaux rapprochent les citoyens des messages politiques, les exposent plus à des enjeux qui les concernent, ce qui peut donc potentiellement faciliter leur engagement, comme l’ont montré les dernières présidentielles américaines. Ce phénomène est une bonne chose car les personnes sont bien plus réceptives par ce canal, à la différence des traditionnels messages politiques exprimés de manière un peu abrupte et qui donc les intéressent moins, voire pas du tout.
“La démocratie numérique passe par la démocratisation des outils collaboratifs sur Internet“
B-T : Selon vous, pourrions-nous voir apparaître un jour une démocratie tout
numérique ?
A.M. : Il faudrait plutôt parler de “”démocratie enrichie””. Pour moi, la démocratie numérique, c’est comme la règle des 1-10-90 sur Internet : il suffit de trouver la bonne population concernée par un problème et qui a envie de le résoudre, c’est-à-dire 1% des personnes, 10% qui commentent et 90% qui sont passifs et profitent. Aujourd’hui, nous n’avons rien qui nous permette de construire l’intérêt général en partant d’1% de contributeurs. Si nous voulons avoir une démocratie numérique, il est nécessaire de démocratiser les outils collaboratifs sur Internet dans les années à venir. Cependant, j’espère qu’on gardera le vote physique aux urnes, ne serait-ce que pour rendre sensible l’intérêt général.
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