"Destinations 2030" : construire l'avenir par le regard citoyen
L’agglomération de Saint-Nazaire, c’est 115 000 habitants répartis sur 10 communes. Pour mobiliser les citoyens autour des perspectives d’avenir collectives, les élus doivent inciter à la prise de parole. La direction du marketing territorial de la communauté d’agglomération, en collaboration avec l’Agence pour le Développement Durable de la Région Nazairienne (ADDRN) ont tenté de relever le défi. Mais l’opération laisse certaines questions en suspens, notamment sur le traitement et l’utilisation des données recueillies. Passons “Destinations 2030” au crible.
Depuis l’avènement du web 2.0, les collectivités utilisent l’Internet participatif en complément des opérations plus classiques, pour sonder leurs habitants. Dernièrement, c’est l’agglomération de Saint-Nazaire (la CARENE) qui s’est lancée dans la concertation publique avec “Destinations 2030.” L’objectif est de proposer “un débat participatif ouvert à tous, et pas seulement aux élites pensantes du territoire” comme le confie Claude Maillère, responsable de la planification pour l’ADDRN. Porté par Joël Batteux, président de la CARENE, le projet répond à un appel du Conseil de Développement de l’agglomération. Cette démarche est composée de deux volets. Côté web, un site Internet est mis en ligne. Il est destiné à être le réceptacle des contributions citoyennes et donner un libre accès à leurs propositions. Pour s’adresser au plus grand nombre, “Destinations 2030” a choisi de multiplier les médias et les moyens d’expression. Côté “terrain”, un minibus sillonne jusqu’en juin 2012, les routes des communes partenaires du projet. Le but de l’action est de “tendre le micro” aux habitants et de leur donner la parole au travers d’animations. Tour d’horizon du dispositif “Destinations 2030.”
“Une démarche composée de deux volets : un “côté web” avec un site Internet et un “côté terrain” avec un minibus pour “tendre le micro” aux habitants.”
Sur Internet, plusieurs modes d’expression sont prévus pour encourager la prise de parole, que ce soit par messages instantanés façon tweet (mais en 300 caractères max), sur le répondeur téléphonique consultable depuis le site, en répondant aux “questions débats” sur le forum ou en votant sur les sondages en ligne. Les remarques citoyennes sont encadrées à travers de grandes thématiques : “Mobilité, Rayonnement, Quartiers, Industrie et Grand territoires.” Au sein de ces catégories, les sujets des discussions et des sondages, sont choisis par l’ADDRN.
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À noter également, la présence d’une carte participative, où chaque citoyen peut géolocaliser ses idées et les activités du Saint-Nazaire de demain. Mais là aussi, l’utilisateur est fortement guidé dans les thèmes abordés. Certes, il est libre de proposer ses propres idées, mais les choix déjà soumis par le site ont souvent raison de sa créativité. En témoigne le peu de contributions personnelles sur les nombreuses idées proposées par l’ADDRN. Cet outil rappelle celui qui avait été mise à disposition des habitants de la commune de Mérignac en Gironde, qui permettait de signaler directement sur la carte les problèmes rencontrés en ville : branches cassées, lampadaire déficient, fuite d’eau…
Les sujets abordés avec les habitants à chaque arrêt du minibus s’inspirent de leur quotidien. Par exemple, le restaurant municipal est le lieu idéal pour s’interroger sur l’alimentation en 2030. Le parti pris est clair : événementialiser pour mobiliser. Ces actions ciblées permettent de rapprocher les habitants des problématiques publiques, en puisant dans leur environnement, et non plus dans celui des élus.
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Vient ensuite le temps de la mise en forme et de la restitution des données recueillies. Un événement à destination du grand public et du public institutionnel est prévu en novembre. L’idée est de rendre compte des tendances dégagées grâce à une restitution plurimédias : vidéos, films, images, interviews clés. Des artistes viendront compléter et enrichir ce compte rendu par leurs sculptures, leurs peintures ou d’autres installations. Un livre blanc intitulé “Destination 2030” sera publié en janvier 2013. Il regroupera les perspectives d’avenir recensées.
“L’objectif n’est pas d’écrire une feuille de route, ni un héritage… mais de recueillir un panel de pistes à explorer et d’interrogations livrées en tant que telles.”
Mais une question se pose : qui est chargé de l’étude des données ? Si une commission rassemblant les différentes parties prenantes (citoyens, élus, administrés de la CARENE, agence de développement et bureaux d’études) aurait été la bienvenue, ce n’est manifestement pas le cas. Seul l’ADDRN et deux bureaux d’études seront délégués à cette analyse. Par ailleurs il semblerait qu’aucune phase opérationnelle faisant suite à ces démarches ne soit prévue. Selon Claude Maillère, “l’objectif n’est pas d’écrire une feuille de route, ni un héritage… mais de recueillir un panel de pistes à explorer et d’interrogations livrées en tant que telles.” La Fabrique Métropolitaine, une initiative similaire, rassemblait également les citoyens pour regarder à l’horizon 2030. Impulsée par la Communauté Urbaine de Bordeaux, les commentaires des participants ont été analysés dans le but d’être intégré directement au texte du projet métropolitain pour bâtir le “Bordeaux 3.0.” “Limousin : Générations 2027” lancé par le conseil général du Limousin en 2006, est un autre exemple : les contributions citoyennes ont permis de réécrire le “scénario souhaité” pour la région.
Il est dommage que “Destinations 2030” ne mette pas plus l’accent sur l’utilisation concrète des perspectives apportées par les habitants. En revanche c’est un projet qui répond à son objectif principal : ouvrir le débat public à tous les citoyens. Grâce à son site Internet et ses nombreux outils de participation et sa présence pro-active sur le terrain, l’opération a su recueillir les propos des habitants de façon démocratique.
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