Ambassadeurs territoriaux, entre marketing et réalité
Incarner pour mieux communiquer ? Souvent le lot du luxe et de la publicité, l’égérie s’étend aussi au marketing territorial. Égéries ? Pas tout à fait, la version déclinée par les territoires invite plutôt à parler d’ambassadeurs. Aujourd’hui, les habitants se font représentants officiels de leur territoire. Regard sur ces nouveaux visages de la com’…
Il ne s’agit ni de Nicole Kidman, ni de Laëtitia Casta, mais de Julie, devenue depuis plusieurs mois l’ambassadrice de Manche Tourisme. La jeune femme incarne le territoire pendant deux ans pour les besoins d’une campagne publicitaire commandée par l’Office de tourisme de la région. L’objectif ? Renforcer la visibilité et l’attractivité du territoire.
“Représentant du territoire et vecteur de son identité, l’ambassadeur encourage aussi la proximité”
Dans le marketing territorial, le citoyen ambassadeur s’impose. En tant qu’acteur de son territoire, il en fait valoir le dynamisme. Sur quels ressorts s’appuie le procédé ? Par définition, l’ambassadeur est celui qui représente de manière officielle ou non un État, une personne, un groupe ou une valeur. Ici, il est bien représentant du territoire et vecteur de son identité mais il encourage aussi la proximité, chère au local.
Un procédé générateur d’identité…
“L’opération promotionnelle a pour objectif de fédérer les Bordelais autour du territoire par le biais d’un réseau d’ambassadeurs.”
Le citoyen ambassadeur cristallise et valorise certains traits distinctifs d’un territoire. Il participe ainsi à la création d’un discours identitaire. Le but est de fédérer les habitants autour de ce discours, symbole d’un projet collectif. Autour des notions véhiculées par l’ambassadeur, une identité commune se forge et un espace symbolique se voit partagée par ses habitants.
La campagne “L’image de Bordeaux c’est vous” en est un bel exemple. Lancée en 2011, l’opération promotionnelle a pour objectif de fédérer les Bordelais autour du territoire par le biais d’un réseau d’ambassadeurs. Le seul critère pour devenir membre de ce réseau : être habitant de la ville. “Parler de la ville telle qu’elle est, la rendre attractive : ce sont les Bordelaises et les Bordelais qui le font le mieux” : le principe est clair. Aujourd’hui le réseau est un vrai succès pour la ville. La démarche s’est vue relayée sur le net et dans la presse quotidienne et des affiches promotionnelles ont fleuri pour soutenir la plateforme de consultation “jeparticipe.bordeaux.fr”. Les ambassadeurs se font aussi emblèmes de la démocratie participative à l’échelle du local.
… et de proximité
En plus de favoriser le processus d’identification, l’ambassadeur symbolise également la proximité, et ce à plusieurs niveaux. Entre l’institution et les habitants mais aussi entre les habitants eux-mêmes. Contrairement aux égéries qui marquent l’admiration et la distance, les ambassadeurs des territoires se font l’emblème de la proximité. Par un effet miroir, les habitants d’un territoire s’identifient à eux, leurs semblables. Il ne s’agit pas de susciter l’envie et l’admiration mais plutôt un sentiment d’appartenance et de similitude.
“Ces représentants officiels de leur territoire se transforment en nouveaux relais d’opinion.”
La baseline de L’originale Franche-Comté : “Notre talent, révéler le votre” affiche ouvertement cette proximité. Ici, les ambassadeurs forment une communauté. Chaque membre peut y construire son propre réseau afin d’y relayer les actualités de la région. Ces représentants officiels se transforment en nouveaux relais d’opinion. Ils ont le pouvoir de transmettre l’information mais aussi d’assurer la visibilité d’un projet par sa promotion.
Au rang des ambassadeurs, promoteurs du dynamisme de leur territoire, nous pouvons ajouter ceux de l’Aisne. En 2011, la campagne 100% pur l’Aisne, mettait sur le devant de la scène différents talents du département (sculpteur, chanteuse, pilote, chef d’entreprise etc.).
“Communiquer via des ambassadeurs permet de faire connaître au grand public la stratégie d’un territoire en y apposant un visage.”
Choisir de communiquer via des ambassadeurs permet donc de faire connaître au grand public la stratégie d’un territoire, de promouvoir son dynamisme ou encore de renforcer son attractivité au moyen d’un visage. Cependant, s’il s’agit aussi de permettre l’identification entre les représentants d’un territoire et ses habitants, une différence de taille émerge entre Julie de la Manche et les ambassadeurs de la Franche-Comté, de Bordeaux ou de l’Aisne. L’ambassadrice, qui succède à un personnage virtuel présent sur Facebook depuis 2010, est en fait une comédienne recrutée sur casting. L’effet miroir est alors altéré et Julie semble davantage se positionner comme un ambassadeur symbolique, ersatz d’une réelle représentativité.
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À noter que ce concept n’est pas nouveau. On en trouve les prémisses en 1999 du côté de Saint-Etienne.
Pour en savoir plus : http://thebaultmarc.expertpublic.fr/2012/05/30/rendre-a-cesar/
Article rédigé avec la collaboration de Soukayna Kerroum.
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