Besançon & son panel d’administrés : pour une meilleure écoute des habitants !
En 2009, la ville de Besançon, s’est lancée dans un projet ambitieux : mesurer la qualité des services municipaux en constituant un panel de 2000 Bisontins. Trois ans après, le bilan de l’expérience est-il positif ? Enquête.
La ville de Besançon est à l’écoute de ses habitants ! Depuis 2009, en partenariat avec l’Institut de Management public de l’université Paul Cézanne et le laboratoire Théma de l’Université de Franche-Comté, Besançon sonde ses administrés sur des sujets divers et variés : accueil dans les services municipaux, politiques en faveur de l’enfance et des familles, citoyenneté et lien social… C’est la première fois qu’une collectivité française utilise cette technique d’analyse.
Une première en France
Si les collectivités ont bien compris l’importance de la notion de satisfaction, leurs méthodes restent très conventionnelles. Se cantonnant souvent à des enquêtes ponctuelles d’image ou de notoriété, il leur arrive de pousser l’analyse mais souvent sur des pans très précis de leurs compétences. La mairie de Versailles a, par exemple, sollicité BVA, un institut d’études de marché et d’opinion, pour mener une enquête sur les attentes des Versaillais en matière de politique des déchets. Cette enquête comportait un volet satisfaction. Néanmoins, ce type d’étude reste occasionnel en France, contrairement aux pays du Nord où les services publics ont recours depuis longtemps aux techniques marketing. Des techniques marketing qui ne datent pas d’aujourd’hui…
Un outil pas tout jeune
Les panels ne sont pas nouveaux. Les premiers sont nés peu avant la crise de 1929 aux États-Unis. Ils sont arrivés un quart de siècle plus tard en Europe. Le principe ? Constituer un échantillon fixe de consommateurs ou d’usagers qui sera par la suite régulièrement interrogé sur des sujets quelconques. Les entreprises vont rapidement prendre conscience de l’intérêt des panels : la possibilité d’analyser l’évolution du comportement des consommateurs pour pouvoir mieux adapter le produit à leurs attentes.
“À chaque enquête, environ 800 personnes représentatives de l’ensemble de la population bisontine sont interrogées.”
À chaque enquête, environ 800 personnes représentatives de l’ensemble de la population bisontine sont interrogées. Les enquêtes sont réalisées par des étudiants encadrés par des chercheurs de l’Université de Franche-Comté (au téléphone et en face à face) et les résultats sont analysés en collaboration avec l’Université d’Aix Marseille III pour être présentées aux élus municipaux et aux services. Chaque enquête donne lieu à un plan d’actions mis en œuvre. Mais quelles sont les réelles motivations de la ville de Besançon ? Entretien avec Serge Guillemin, Directeur Qualité de la Ville.
Blog-territorial : Pourquoi tester la satisfaction des habitants vis-à-vis du fonctionnement des services municipaux ?
Serge Guillemin : Paradoxalement, dans le cadre du panel d’habitants, la satisfaction des usagers n’est pas l’intérêt majeur. Nous voulions sortir des enquêtes et sondages traditionnels qui ne produisent souvent que des études d’image et de notoriété. Ce que nous recherchons, avec les deux Universités (Franche-Comté et Aix-Marseille III) membres du consortium que nous avons monté pour ce projet, c’est plutôt de comprendre quels sont les facteurs qui contribuent à “fabriquer” la satisfaction. Nous voulons comprendre, pour chaque typologie de population, ce qui est important, ce qui fabrique du sens voire de l’enchantement et a contrario ce qui est secondaire. Chaque enquête apporte son lot de surprises, bouscule les idées reçues ou conforte nos actions et nos politiques publiques.
Blog-territorial : Pourquoi avoir lancé un baromètre permanent, et non pas un ponctuel ?
S.G : Le principe du panel est de conserver pour chaque enquête (environ deux par an) les mêmes répondants, bien que nous ayons un taux de renouvellement d’environ 30% à chaque fois, nous pouvons d’une part analyser avec beaucoup de fiabilité les évolutions dans les réponses (chaque enquête débute toujours par une dizaine de questions rigoureusement identiques) et d’autre part de tenter de comprendre si la connaissance a un impact sur le comportement des citoyens… Dit de façon plus directe, comme chaque enquête aborde une ou des politiques publiques, plus un paneliste répondra à des enquêtes, plus il deviendra informé sur la vie locale et plus il deviendra “sachant”, un “super citoyen” en quelque sorte. Notre drame aujourd’hui, malgré le suivi par deux équipes de chercheurs, est que nous disposons d’une base de données gigantesque où se cumulent les résultats des enquêtes réalisées depuis 2009. Il y aurait de quoi alimenter le travail de plusieurs doctorants en sciences de gestion, en marketing territorial, sociologie…
“Les 2000 panelistes sont des habitants tirés au sort, représentatifs de la population, sélectionnés selon la méthode des quotas.”
Blog-territorial : Comment avez-vous constitué le panel ?
S.G : Les 2000 panelistes sont des habitants tirés au sort, représentatifs de la population, sélectionnés selon la méthode des quotas. Nous échantillonnons sur trois critères croisés : Age, sexe et niveau de formation tout en veillant à une homogénéité de la répartition territoriale (le choix inhabituel du niveau de formation comme critère d’échantillonnage s’explique par le constat, au cours des enquêtes du décalage entre les CSP et la structure actuelle de la population : malgré une population enquêtée techniquement représentative, nous détections systématiquement des catégories de populations silencieuses…). Dans un foyer, nous veillons à ce que cela soit toujours la même personne qui soit interrogée. 80% des entretiens.
Bien entendu, la Ville n’a pas connaissance de l’identité des panelistes. Mais nous avons identifié que certaines catégories de la population étaient, ou absentes, ou faiblement représentées (e.g. jeunes, ouvriers, demandeurs d’emplois…). Nous complétons nos enquêtes par des entretiens en face à face sur leurs lieux de vie.
Blog-territorial : Pour aller plus loin, comment réutilisez-vous les résultats des différentes enquêtes?
S.G : Comme premier élément de réponse, il est important de signaler que nous ne communiquons jamais sur les résultats. Ce qui est important, ce sont les effets qu’ils produisent, comment les services ou l’exécutif s’en emparent. Il n’y a jamais de réponses au coup par coup, et surtout pas une relation de causalité directe entre l’expression des usagers et les actions mises en œuvre. Cela desservirait d’ailleurs la démarche qui pourrait être assimilée à un outil électoraliste. Les enseignements de chaque enquête, enrichis au fur et à mesure des nouvelles consultations démontrent tout l’intérêt d’interroger les habitants pour conforter les projets et guider l’exécutif dans ses prises de décisions. Le panel n’est qu’un outil de compréhension de la vision des Bisontins et même si toute opinion exprimée peut fluctuer en fonction de l’actualité du contexte socio-économique présent au moment de l’enquête, il n’en demeure pas moins un outil d’écoute très fin, en particulier en donnant également la parole aux catégories de population traditionnellement silencieuses. Les résultats sont donc une donnée d’entrée complémentaire essentielle aux projets de la commune.
En conclusion, la ville de Besançon a pris une belle initiative : développer de nouveaux outils d’écoute des administrés. Ceci lui permet d’avoir une vision très originale de l’expression de ses habitants et de les inclure plus facilement dans la construction des politiques de la ville. La mairie semble donc pleinement satisfaite de son panel. Cela va t-il encourager les collectivités à se lancer ? Affaire à suivre.