Libye : sommes-nous prêts pour un bon storytelling de guerre ?
Vérifions à l’aide des critères de Lord Ponsonby, travailliste anglais pacifiste du début du XXe siècle, réactualisé en 2001 par Anne Morelli dans son livre Principes élémentaires de propagande de guerre.
J’en profite d’ailleurs pour citer Anne Morelli, le préambule de son ouvrage s’appliquant parfaitement à ce billet : « Je ne tenterais pas de sonder la pureté des intentions des uns ou des autres. Je ne cherche pas ici à savoir qui ment et qui dit la vérité, qui est de bonne foi et qui ne l’est pas. Mon seul propos est d’illustrer les principes de propagande, unanimement utilisés, et d’en décrire les mécanismes. »
1. Nous ne voulons pas la guerre
« Nous ne conduisons pas une guerre contre la Libye, mais une opération de protection des populations civiles. » François Fillon, Premier ministre.
C’est clair. Nous ne voulons tellement pas la guerre que nous ne la faisons pas. Néanmoins, merci de poursuivre votre lecture avec les neuf points suivants.
Point 1 OK.
2. Le camp adverse est le seul responsable de la guerre
Point 2 OK.
3. Le chef du camp adverse a le visage du diable (ou « l’affreux de service »)
Non, non non. Cut ! On recommence… Voilà, là c’est bon, on a un vrai méchant de chez méchant. C’est dans la boite.
Point 3 OK.
4. C’est une cause noble que nous défendons et non des intérêts particuliers
« 14h00 : Le prix du pétrole chute de 3 dollars. A Londres et à New York, les cours du pétrole ont chuté d’environ trois dollars après l’annonce par le régime de Kadhafi de la fin des opérations militaires. » Site web du JJD, le18 mars.
Heu, non… On ne va pas pouvoir garder cet extrait. On n’a pas autre chose ?
« un dispositif de nature militaire pour protéger le peuple libyen et lui permettre d’aller jusqu’au bout de son souffle de liberté. » François Baroin, porte-parole du gouvernement.
Oui, ça c’est bien. On garde.
Point 4 OK.
5. L’ennemi provoque sciemment des atrocités, et si nous commettons des bavures c’est involontairement
« Nous ciblons sur les moyens militaires et sur rien d’autre » Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères.
Point 5 OK.
6. L’ennemi utilise des armes non autorisées
Difficile de refaire le coup des armes de destruction massive iraquiennes. Mais, l’aviation contre des « civils », ça fait quand même bien « armes non autorisées ». Contrairement aux armes lourdes syriennes qui entrent dans la catégorie « autorisées ».
Point 6 OK.
7. Nous subissons très peu de pertes, les pertes de l’ennemi sont énormes
« Depuis 2006, les RAFALE Air et Marine ont été plusieurs fois engagés au combat en Afghanistan où ils ont fait preuve d’un taux de disponibilité exceptionnel. Ils ont fait usage de leurs armes en de multiples occasions (bombes guidées laser de 250 kg, et canon de 30 mm). » © Dassault Aviation
D’où l’évidence du rapport de force des pertes en notre faveur.
Au fait, si vous êtes intéressé, il y a actuellement une promo sur ce type d’appareil : http://www.dassault-aviation.com/fr/defense/rafale/omnirole-des-lorigine.html. Et si vous avez encore un doute, retrouvez notre démonstration, chaque soir, dans votre journal télévisé habituel.
Point 7 : OK
8. Les artistes et intellectuels soutiennent notre cause
Ça, c’est fait.
Point 8 : OK
9. Notre cause a un caractère sacré
« Le président a pris la tête de la croisade… » Claude Guéant, ministre de l’Intérieur.
Point 9 : OK
10. Ceux (et celles) qui mettent en doute notre propagande sont des traîtres
J’en tiens un ! J’ai tapé « Lybie » dans le moteur de recherche du site d’un certain JFC. Résultat : http://tinyurl.com/6k8kbqy. Soit… rien ! Un tel silence ne peut qu’être une manœuvre insidieuse de l’ennemi…
Point 10 : OK
Ping : Story of war | storytelling, une autre communication
Très amusant, mais sur le fond, que doit-on comprendre ?
Auriez vous oublié Lafayette, ou Clemenceau le 11 novembre 1918: “Hier soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, la France sera toujours le soldat de l’idéal”.
Je vous laisse méditer la dessus, et sur l’histoire de France.
Bonjour,
Sur le fond, je montre que les constats de Lord Ponsoby sur la communication justificative des guerres, effectués au XIXe siècle, restent d’actualités au XXIe siècle. J’appuie mon propos sur l’exemple récent de la communication française de l’intervention en Lybie.