Le tourisme, un enjeu d’attractivité globale pour les territoires
Pour comprendre l’intérêt du marketing territorial, mais aussi ses mécanismes, et sa méthode, retrouvez ci-dessous l’article de Marc Marynower publié dans le magazine Tendances n°4, publié par la SCET.
Le marketing territorial est devenu, au fil des années, un sujet essentiel, tout à la fois central et transversal puisque concernant de multiples dimensions dans les projets des territoires et leurs politiques de développement. Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, il s’agit en effet non seulement d’attirer mais aussi, et avant tout, de maintenir hommes et capitaux sur le territoire, et ceci quelles que soient sa nature (de l’urbain au rural) et sa taille (régions, départements, intercommunalités, communes).
Pour capter, retenir, amplifier des flux entrants, humains (habitants, touristes, entrepreneurs, cadres, étudiants, consommateurs, porteurs de projets,…) et financiers (dépenses, investissements, revenus, impôts…), les collectivités locales développent des démarches destinées à mobiliser les acteurs publics et privés pour renforcer, ensemble, la compétitivité de leur territoire.
Ces démarches reposent généralement sur une prise en compte globale de l’attractivité, au sens où attractivité économique, résidentielle, touristique, culturelle, commerciale, universitaire… interagissent : la notoriété et la renommée d’un territoire se construisent et se consolident, dans l’esprit des publics, à travers l’ensemble de ces dimensions. D’où la nécessité, pour une démarche réussie, de combattre les logiques de « silos » et de rechercher les synergies.…
Le tourisme joue fréquemment, parmi ces différentes dimensions, un rôle tout particulier : c’est en effet très souvent, historiquement, le premier secteur qui s’est attaché à promouvoir le territoire, en tant que destination… de façon traditionnelle comme aujourd’hui à travers le web-marketing : le tourisme n’est-il pas le premier secteur du e-commerce ?
Mais là n’est pas la seule raison : le tourisme, de loisirs ou d’affaires, constitue souvent la première occasion de contact avec un territoire ; et cette découverte, dans un contexte expérientiel favorable, peut générer une envie de revenir ici pour résider (actifs et retraités), créer son entreprise, poursuivre ses études… Le développement résidentiel et économique de l’Hexagone témoigne ainsi de l’attrait incontestable du Sud et de l’Ouest, régions touristiques par excellence.
Les marques de territoire : un phénomène en développement
I love NY, I amsterdam, be Berlin, OnlyLyon : nombre de métropoles – puis de régions, comme l’Alsace, l’Auvergne, la Bretagne… – ont adopté, en complément de leurs identités institutionnelles, des marques d’attractivité globale, dédiées à leur promotion : partagées entre les acteurs publics concernés (collectivités locales, structures touristiques, agences de développement économique, Chambres consulaires, grands équipements, universités…) et les acteurs privés, partenaires désireux de s’engager à leurs côtés (entreprises, commerçants, socio-professionnels du tourisme, clusters…) ces marques « racontent » le territoire, dévoilent sa personnalité et mettent en valeur ses atouts spécifiques selon le positionnement recherché.
Des écarts existent généralement entre la réalité objective du territoire et sa perception (image) par ses publics endogènes et exogènes. Le rôle de la marque, bâtie sur un positionnement choisi en lien avec le projet de territoire, sera de faire évoluer son image dans le sens voulu. Pour être efficace de façon optimale, le positionnement doit tout à la fois reposer sur l’identité du territoire (son « ADN ») et se traduire non seulement dans sa communication, mais aussi dans ses actes.
Quelles frontières pour un territoire pertinent ? Celles du vécu et du perçu…
L’une des difficultés réside dans la définition de territoires qui soient pertinents dans l’esprit des cibles (réalité vécue par les publics endogènes, et perçue par les publics exogènes) auxquelles on s’adresse. Ces publics raisonnent en effet par bassin de vie, bassin d’emploi, bassin touristique… et non selon les frontières administratives : dès lors, ceci nécessite d’établir des coopérations entre collectivités pour choisir « la bonne échelle », celle qui fait sens dans l’esprit des publics visés. Ainsi, la marque OnlyLyon travaille à l’attractivité globale de la « région lyonnaise » et bénéficie certainement à Saint-Étienne, perçue comme ville satellite de la métropole. De même, à l’heure où se dessinent les nouvelles Régions, il est intéressant de constater que les « marques à succès » ont été celles de territoires faisant sens auprès des publics-cibles : l’Alsace, l’Auvergne, la Bretagne… marques dotées d’une forte légitimité, très certainement pérenne.
Marque globale ou marque touristique différenciée ?
Si la tendance est aux marques dites globales, car transversales puisque concernant tous les champs de l’attractivité, certaines situations conduisent à des choix différents.
Les marques de territoires purement touristiques, telles celles des stations de sports d’hiver, n’ont de légitimité qu’en tant que marque de destination. À noter, à ce sujet, que nombre de destinations facilitent souvent leur repérage géographique tout en s’enrichissant, en termes d’image, des attributs de marques « supra » : exemple, Paimpol, dont la description du site, sur Google, fait référence à la Bretagne et aux Côtes d’Armor. Ou Méribel, se définissant comme au coeur des Trois Vallées, espace promu par cette marque-ombrelle valorisant « le plus grand domaine skiable au monde ».
Mais d’autres raisons peuvent amener à communiquer de façon différenciée dans chacun des champs de l’attractivité : ainsi, par exemple, Reims gère spécifiquement tourisme et économie. Autant le tourisme capitalise sur l’imaginaire lié au champagne, autant l’Agence de développement économique concentre ses messages, sans référence aucune au champagne – sinon le code couleur noir et jaune doré -, sur sa proximité à Paris : InvestinReims, pôle métropolitain à 40’ de Paris. Craignant peut-être que la référence au champagne, de haute tradition, discrédite les dimensions dynamisme et innovation attendues d’une capitale régionale ?
Quels facteurs-clés de succès pour une démarche d’attractivité globale ?
Comme évoqué ci-avant, l’attractivité touristique mérite d’être considérée dans le cadre d’un écosystème global : en effet, même si chaque situation territoriale est différente, et même si les cibles semblent différentes (mais chacun d’entre nous ne porte-t-il pas plusieurs casquettes ? touriste, mais aussi cadre ou chef d’entreprise, étudiant, résident potentiel…), il s’avère souvent que les politiques de développement touristique et économique, entre autres, gagnent à être réfléchies de façon coordonnée, en synergie. Cette réflexion, pour conduire à la réussite de la démarche de marketing territorial, repose déjà sur le fait de disposer d’une offre de produits/services (ou de la construire) en résonance avec les besoins, les attentes, les aspirations des publics-cibles, ces derniers étant à bien identifier et caractériser. Mais aussi sur d’autres variables : la compétitivité des conditions financières, l’efficacité et la fluidité de la mise en marché, la pertinence de la communication.
Enfin, la démarche sera d’autant plus efficiente qu’elle reposera – grâce à une gouvernance et une organisation adaptées – sur la mobilisation, l’implication, l’appropriation des parties prenantes, à savoir les acteurs locaux publics et privés – organisations et individus – à considérer, dans leur diversité, comme les meilleurs ambassadeurs du territoire.
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Marc Marynower dirige le cabinet de conseil en marketing territorial et communication MMAP, spécialiste des questions d’attractivité touristique, économique, résidentielle, universitaire, commerciale… et du « place-branding ». Il accompagne des territoires de toute nature et à toutes échelles : régions, villes et métropoles, intercommunalités, espaces ruraux, stations touristiques… et collabore régulièrement avec SCET Tourisme. Il est par ailleurs maître de conférences associé en stratégies de communication internationale à l’université de Bourgogne et formateur en marketing territorial.
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