Le Renard et les Appels d’Offres
Il est de bon ton en ce moment de décrier les appels d’offres (RFB quand on veut faire worldwide). Il faut reconnaître que certaine marque nationale a présenté un visage particulièrement odieux récemment.
Et tout le monde de les décrire comme des reliques du temps des dinosaures inadaptées à notre ère d’agilité, ou comme de simples revues de marché pilotées par des Acheteurs cupides, ou comme la preuve de l’incompétence des marketeurs, de leur incapacité à effectuer des choix stratégiques.
C’est vrai mais c’est faux.
Un Appel d’Offres EST utile à la relation annonceur-agence.
- Tout d’abord car le marché s’est complexifié. Un annonceur qui cherche une agence aujourd’hui sans être expert va avoir du mal à se repérer dans le maquis des dénominations et spécialités. Même les plus expérimentés tirent la langue. Ne pas faire d’appel d’offres est possible mais cela limite la possibilité pour la marque de rencontrer l’agence qui la comprendra vraiment. Et surtout cela revient à solliciter les agences les plus visibles, au détriment des plus petites, ou les mieux introduites. Ce qui n’est pas très joli.
- Ensuite parce que l’Appel d’Offres est un temps d’échange sur les orientations stratégiques de la marque. L’annonceur émet un brief sur son analyse de la situation, et la plupart du temps, elle est argumentée et documentée. C’est aussi le rôle de l’agence d’en discuter, de fouiller pour voir si on en peut pas voir les choses autrement. Le temps de l’appel d’offre est un temps ou l’interne annonceur peut plus facilement se rendre disponible pour apporter à la lumière des vérités enfouies (comme les 129 points de contrôle de l’annonce Lemon de VW, en 1950, avant que la marque ne se tire un boulet de canon dans le pied).
- Enfin, parce qu’il peut servir à définir la vie commune du couple annonceur-agence, l’orienter, au delà de la prestation de conseil marketing-communication, en termes de services attendu de la part de l’annonceur, d’accompagnement, de coordination, de pédagogie…
Comme dans un couple, on peut avoir eu le coup de foudre et ne pas supporter de voir des chaussettes sales traîner.
Les agences ne proposent pas que des idées créatives mais aussi un accompagnement quotidien opérationnel. Se poser la question de la cohabitation en amont est loin d’être idiot. Par exemple, il est rare de se mettre d’accord tout de suite sur une piste créative. Comment se parle-t-on si on est en désaccord, comment collabore-t-on à la recherche d’une solution ?
En revanche, les Appels d’Offres sont souvent mal conduits ou lancés pour des raisons absurdes.
On ne change pas d’agence parce qu’elle ne se renouvelle pas ou parce qu’on a un nouveau directeur marketing. On le fait si un problème nouveau se pose et que l’agence actuelle ne sait pas, n’a pas la compétence pour le gérer. Ou si, cela arrive, elle ne travaille pas avec tous les moyens nécessaires au service de son client en rendant un service insuffisant et parfois exécrable.
Quand on fait un appel d’offres, on le fait pour une vraie raison, avec un vrai budget à la clef, en respectant les agences sollicitées, avec transparence. Un peu ce que dit le label La Belle Compétition, en somme. Une démarche commune d’exigence, de transparence, de respect et de sérieux des annonceurs et des agences.
Je rencontre tous les jours (et même à l’UDA récemment tout un atelier !) des annonceurs qui veulent mieux travailler avec leurs agences. Pour eux, l’Appel d’Offres est un outil (parmi d’autres) pour mieux travailler avec un vrai partenaire. Pour bien poser sa question, pour avoir des réponses et les mettre en œuvre. Et les Acheteurs ne sont pas, dans ce processus, d’infâmes suceurs de sang mais souvent une vraie ressource pour organiser le travail de manière fluide et efficace. Et pas mal d’agences ont bien compris que ce moment est précieux.
Bien sur qu’il y a des annonceurs -et des agences- qui pervertissent l’outil, l’actualité récente nous en a hélas donné de “magnifiques” exemples. Mais si la voiture pue, pollue et tue, combien parmi nous sont prêts à s’en passer au regard des services qu’elle rend ? D’une certaine manière, ceux qui vouent les Appels d’Offres aux gémonies me font penser à ceux qui, parce qu’ils n’arrivent pas à obtenir quelque chose disent que cela ne les intéresse pas.
Au fait, il y a une fable à ce sujet, non ? Une histoire de renard et de raisins…
PS : Quant aux acheteurs et au débat sur les prix, ou la discussion sur les honoraires, je vous en reparlerai une autre fois, c’est un sujet qui mérite qu’on prenne son temps… d’ailleurs, j’anime un atelier sur la rémunération des agences début décembre à l’UDA.
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