« La com’ de l’autre » et « l’autre de la com’ »
Qui n’a pas entendu l’opposition dénoncer, notamment au moment des débats sur le budget, les coûts « exorbitants » de la communication de la majorité ? Qui ne s’est pas dit au même moment « Euh… s’ils étaient dans la majorité, ils en feraient de même, non ? » Nous le savons tous, pour l’opposition « la com’ de l’autre » n’est pas raisonnable en ces temps de crise. De plus, quand un élu majoritaire se voit titillé de la sorte, il a trois réactions possibles successives ou exclusives :
– S’adressant à l’élu d’opposition, il rétorque « Vous en feriez autant »
– S’adressant à l’assemblée, il théâtralise « La com’ est un service public »
– S’adressant à son collaborateur ou à lui-même, il cherche « Qu’est ce qu’il fout l’autre de la com’ ? »
Nous avons toutes et tous vécu les 3 options, parfois lors de la même séance de l’assemblée. Nous sommes tous et toutes « l’autre de la com’ » qui doit assurer « la com’ de l’autre ».
Devenu objet dans l’esprit de nos édiles, la communication publique territoriale n’en reste pas moins un sujet. Le Forum Cap’Com nous le rappelle chaque année. La blogosphère accélère les échanges d’expériences, les bonnes pratiques, les ressentis… Mais où en sont nos élus dans tout cela ? A quand un cap-com consacré principalement à l’échange avec l’élu ? On pourrait l’appeler « Communiquer l’autre »…
Ce que dit l’enquête Cap’Com / AMF / Occurrence / Courrier des Maires « Les maires et la com »
L’enquête inédite dont les résultats ont été révélés au Congrès des maires de France en novembre dernier nous livre des enseignements.
Les maires voient surtout dans la communication « un outil d’information de l’action de leur collectivité et moins un moyen d’animation, de concertation ou de promotion du territoire. ». Ensuite, ils déclarent entretenir des relations « étroites » avec le responsable d’une mission « essentielle ». Ils s’appuient donc directement sur le responsable de com qu’ils rencontrent « au moins une fois par semaine » si ce n’est tous les jours (17 %). 56% affirment que dans leur commune « la communication institutionnelle et la communication politique du maire ne sont pas vraiment distinctes. » Et enfin, expliquer l’action de la collectivité, c’est pour les maires « d’abord rendre comptes des choix de l’équipe en place ». N’en jetez plus. La relation communicant-élu est centrale dans une communication publique territoriale au service du politique.
Cette enquête inédite est donc révélatrice de la nature de cette relation. Nous, communicants, sommes dans une posture double : nous devons permettre à la fonction communication de jouer pleinement son rôle de service public, mais en même temps, et c’est moins formalisé, nous devons soutenir l’engagement politique comme vecteur de relation à… l’urne ! Autant, les associations de communicants publics vantent les bonnes pratiques locales en matière de communication institutionnelle, autant je n’ai pas connaissance d’un rendez-vous de l’envergure du Forum Cap’Com organisé par les communicants eux-mêmes sur la communication politique locale.
Peut-être la peur d’être associé à la « propagande ». Sans doute la crainte de reconnaitre que la communication de service public est aussi une communication politique. D’ailleurs, nous le savons toutes et tous le service public n’existe que par l’action politique. Et au moment de faire attention au budget, au moment de la défiance au politique, nous savons toutes et tous que la communication institutionnelle sera sacrifiée avant la communication incarnée par l’élu.
Assumons donc la relation à l’élu
Alors que ces dernières décennies valoriser la professionnalisation de la communication était vital, assumez de porter le politique devient un enjeu tout aussi essentiel pour les communicants. Certes, le corporatisme défend la fonction au service du public mais notre hypocrisie tuera à terme l’homme public.
Alors que nous demandons aux politiques d’assumer leur choix, pourquoi le communicant n’assumerait-il pas son choix de travailler pour tel ou tel politique et donc tel ou tel bord. L’hypocrisie est d’autant plus grande que lorsque l’alternance arrive, les communicants qui y « résistent » n’étant pas légions, nous retrouvons beaucoup de communicants sur la marché.
Nous devons donc assumer donc d’être de droite, du centre, de gauche. A la nuance près que nous ne pouvons assumer d’être d’extrême droite. Car être frontiste, cela ne s’assume pas, cela se subit. Je referme cette parenthèse.
Ainsi, pour assumer « la com’ de l’autre », il faut déjà assumer l’autre. Proposons un cadre de réflexion légitime qui ne se cache plus derrière la seule mission de service public, seule action noble à nos yeux.
Non, la noblesse est de porter avec notre intelligence, nos compétences, notre pertinence, notre instinct et notre brin de créativité celui ou celle qui un jour a décidé de s’engager, de s’exposer… bref de prendre les coups.
Bien confortable est la place de celui qui vit grâce à cet engagement, dans l’ombre certes et avec la frustration aussi de ne pas être mis en lumière. Mais nous devons aussi assumer d’être « l’autre de la com’ », acteur technique du jeu démocratique comme le sont les collaborateurs d’élus et les hauts cadres de nos administrations.
Réconcilions donc la fonction de communicant public avec celle de l’homme politique. Car, nous l’avons encore vu lors du Forum à Nancy : la relation élu-communicant était sur toutes les lèvres. Mais dans un bruit sourd. Vous savez ce bruit qui révèle nos difficultés dans notre relation à l’élu. Nous y étions toutes et tous pour comprendre comment faire avec tel projet, comment mettre en place tel chantier, comment organiser notre fonction. Les espaces de parole ont aussi révélé la place de l’élu. Vous savez celui qui n’a pas tout à fait compris le timing de la stratégie, celui qui nous fait confiance, celui qui nous brime, celui qui…
En tout état de cause « l’autre » communique de plus en plus sans nous. Ou du moins à côté de la stratégie globale que nous avions pourtant établie avec lui. Le vrai changement n’est pas tant que nous ne maîtriserons jamais la parole politique -et tant mieux ce n’est pas notre rôle- mais plutôt que cette parole infuse les réseaux, les communautés… en synthèse : les sphères de la com’ transversale.
Mettons la sphère virtuelle au service de l’individualisme collectif
Cette communication « gazouillée » est un révélateur aussi de la nécessité de l’élu d’exister en tant qu’élu, en tant qu’acteur de la nouveauté, en tant qu’éclaireur de notre société… Sur ce dernier point je suis prêt à nuancer, convenons-en. Aujourd’hui nous devons donc composer avec cette expression individuelle qui emprunte la technique du « tirage de la couverture à soi ».
Allons-y, prenons en mains cette communication individuelle. Interrogeons-nous sur son articulation avec l’objet de notre mission. Elaborons des plans stratégiques qui fassent vivre le projet ET l’élu. Assumons. Soutenons donc cet individualisme partagé à l’heure du 2.0.
C’est au prix de notre propre analyse que nous passerions d’une communication publique à une communication assumée de l’homme public. Je reste intimement persuadé que le citoyen ne nous en voudra jamais de concilier l’amélioration du service public et de valoriser l’impulsion d’un politique dans le projet. Car à la fin, soyons lucide : la relation-sanction regarde exclusivement le citoyen et le politique. Le communicant dans tout ca…
Valorisons donc la parole publique
Pour en revenir à notre instance durant laquelle l’élu d’opposition invective le maire sur la com’, je serai tenté aussi de proposer à ce que le communicant joue son rôle dans la relation. En effet, si nous sommes les agents du service public que nous affirmons être, pourquoi ne pas, sous couvert de la sacrosainte validation hiérarchique et politique, proposer de travailler avec les élus d’opposition par exemple sur leurs tribunes. En effet, la communication a tout à gagner, et de là la majorité, à valoriser la parole politique au sein des publications régulières (print et web). En synthèse, comment pouvons-nous valoriser le débat politique qui, je le rappelle, construit (ou détruit c’est selon) l’appel des urnes. Ne peut-on pas imaginer un cadre de réflexion qui fasse comprendre à l’élu que c’est de la qualité et de la valorisation des débats que se renforce la démocratie. Faisons comprendre aux majorités que mettre l’opposition devant ses responsabilités est d’autant plus pertinent que cela peut valoriser (en théorie) la parole et donc l’orientation politique choisie par le citoyen…
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