La grippe H1N1 et sa campagne de communication
La grippe H1N1, inutile de la présenter, on la connaît assez, pour ne pas dire trop. Depuis août 2009, le gouvernement ainsi que la Ministre de la Santé, accordent leurs violons pour préparer la population à une épidémie dite féroce. En janvier 2010 on se pose encore quelques questions : la communication massive du gouvernement est-elle justifiée ? Au nom de quel principe tire-t-elle sa légitimité ? Depuis le 5 janvier 2010, on compte 1080 centres de vaccination ouverts dans la France entière, dont 163 en Ile de France (centres pédiatriques inclus). Selon le Ministère de l’Intérieur on compterait plus de 5 millions de personnes vaccinées à ce jour. Le constat reste néanmoins plutôt négatif puisque la commande du vaccin contre la grippe A est jugée aujourd’hui excessive : 94 millions de doses achetées, à près d’un milliard d’euros. Si cette commande est jugée démesurée, le gouvernement a décidé d’envoyer aux pays en développement 10% des doses, de quoi faire plus de place dans les locaux, ou montrer au grand jour l’élan de générosité soudain chez la classe politique ?! Il est tout de même bon de savoir qu’il se pose un problème d’information. Les communicants ne sont pas bien informés, il est alors difficile de communiquer avec efficacité. A la base, il était prévu deux doses de vaccin pour que la population soit protégée de façon optimale, il s’est avéré qu’une dose était suffisante selon l’Agence Européenne du médicament… En direct sur RTL, la Ministre de la Santé s’explique sur le sujet : Roselyne Bachelot, invitée de RTL (05/01/10) envoyé par rtl-fr. – L’actualité du moment en vidéo. En tout état de cause, nous sommes dans une ère nouvelle où la gestion de la crise sanitaire a changé. On se rappelle encore de la canicule de 2003 qui avait causé des dommages collatéraux importants et qui avait mis en danger non seulement l’image des responsables politiques, mais plus précisément les départements qui sont en charge de coordonner les actions sociales et sanitaires menées sur les territoires (loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et qui a renforcé considérablement le rôle du département). Après les mauvaises expériences de la canicule, l’affaire du sang contaminé ou encore de l’amiante, le sentiment de peur se fait ressentir et déteint sur la stratégie de communication. Ce trouble du comportement post traumatique s’est calqué sur un désir d’hyper communiquer sur un peu tout et rien, sans réels enjeux ni certitudes. On a alors droit à une tornade de conférences de presse, de communiqués de presse mais aussi d’effets d’annonce provenant du gouvernement, venant noircir le tableau et faire peur. Des arguments des plus pratiquo-pratiques sont mis en avant, et l’enjeu premier de cette campagne, reste la pédagogie, seulement la pédagogie. Elle est bien évidemment un élément fondamental pour tenter de minimiser la propagation d’un virus, mais un tel enjeu ne devrait se concentrer sur un seul axe, mais sur plusieurs axes complémentaires. Alors que devons nous penser ? Si la communication est massive, est-ce inapproprié ? Et si l’argument ultime et légitime était de justifier cette masse d’informations comme étant le vecteur propice à rassurer la population ? Notons l’arrivée d’une probabilité qui s’est immiscée dans le calcul : communication n’est plus égale à impact ou est égale à impact réduit, puisque la population ainsi que beaucoup de médecins, associations et même des politiques, sont devenus suite à cette mobilisation, des contestataires actifs ! C’est malheureusement la réalité, qui plus est, le pire scénario catastrophe pour une campagne en situation de crise sanitaire. Plus précisément, on constate une distorsion de la communication, un certain déséquilibre qui a été la faille la plus considérable. Au moment même où le gouvernement rassure la population sur le virus et sur la vaccination, coup de théâtre : de nombreux médecins tournent le dos au gouvernement et ne soutiennent plus les arguments avancés par ce dernier. Le scepticisme s’installe, et ceux qui avaient pourtant une place stratégique et importante en tant qu’intermédiaire entre la population et le gouvernement, sont en réalité devenus des portes paroles contre la vaccination, contre le projet gouvernemental. Il aurait fallu dès le départ, choisir un porte parole assurant un discours clair et informé, sans pour autant porter des discours minimisant les risques. Ce scepticisme est donc alimenté par un doute persistant sur les questions médicales soulevées par de nombreux chercheurs. Ainsi, de nombreuses personnalités politiques, notamment plus récemment la Ministre de la Santé Roselyne Bachelot-Narquin, déclare haut et fort que c’est au nom du principe de précaution que les commandes ont été excessives. Ce principe a été inscrit dans la Constitution Française depuis le 1er mars 2005 et consiste brièvement à anticiper un risque, en prenant les mesures nécessaires pour l’éviter. C’est à l’appui de celui-ci, que les politiques et les communicants justifient cette campagne dite démesurée. Notons tout de même que l’épidémie est officiellement terminée depuis le 13 janvier. Certains médecins sont sur des pistes de réflexions très énigmatiques, certains penseraient même qu’il s’agit d’un test grandeur nature pour parer aux probables attaques biologiques… Eric Delvaux, reçoit dans le 7/10 de France Inter, Roselyne Bachelot : Roselyne Bachelot Ministre de la Santé et des Sports envoyé par franceinter. – L’info video en direct. Notons aussi que la Ministre de la Santé a reçu le Grand Prix du communicant public de l’année. Ce prix est décerné pour la cinquième fois par le magazine Acteurs publics, qui récompense chaque année les actions menées qui n’ont pas été très “médiatisées”. Le jury de l’année 2009 a été sous la présidence de Pierre-Marie Vidal, Directeur de la rédaction du magazine et est composé de lauréats de l’année précédente tels que Martin Hirtsch, Haut Commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté et à la Jeunesse ou encore Robert Ménard, Président d’honneur de Reporters sans Frontières International. Un bilan : en guise de résultat, la crédibilité et la légitimité des pouvoirs publics en matières d’intervention lors du dispositif global de la grippe H1N1, ont été remis en question. On constate un dispositif de prévention mal établit. Avec le recul, il est plus juste de penser que cela se passe de la sorte et non comme les expériences antécédentes ratées. En dernier lieu, on peut penser qu’une population en overdose de communication, c’est toujours mieux qu’une population laissée à l’abandon, non?
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