10 bonnes raisons pour que les communicants publics s’intéressent (enfin) à l’open data
Open data, ouverture des données publiques, libération des données… Autant de mots qui commencent à fleurir dans le champ sémantique des collectivités. Et pourtant, chaque fois que j’aborde le sujet avec un communicant public, j’obtiens peu ou prou toujours la même réponse, de l’ordre du “Heiiiiin ????” [soupir…]
L’open data, késako ?
Je n’ai pas vocation dans cet article à vous faire un exposé complet sur les tenants et aboutissants, les leviers et les freins de la libération des données publiques ; d’autres l’ont fait mieux que moi. Pour faire court, l’open data, c’est une démarche qui vise à rendre disponibles et réutilisables des données publiques afin de développer une démarche de transparence, notamment vis-à-vis du citoyen, mais aussi de produire de l’innovation.
Je me contenterai simplement de vous renvoyer à cette petite vidéo ou encore à ce schéma très pédagogique, tous deux réalisés par un acteur clé du mouvement open data en France, l’association LiberTIC.
Voilà quelques bonnes raisons, qui, j’ose l’espérer, vous convaincront de l’intérêt et de la nécessité de s’emparer du sujet “open data”.
BONNE RAISON N°1 : parce que c’est une obligation légale
À ne pas confondre avec le droit d’accès à l’information sur les documents publics, assuré légalement depuis 1978, la réutilisation des données publiques est un droit opposable depuis 2005 en France. La différence est dans le format publié : l’open data exige de libérer des données réutilisables, y compris de manière automatique, afin de les traiter en grande quantité pour créer de la valeur ajoutée. Par données publiques, on entend toutes les informations, études, fichiers que les administrations utilisent. A noter que certains types de données ne sont pas concernés par cette obligation légale : les données privées, ou celles relevant de la sécurité publique.
BONNE RAISON N°2 : parce que l’open data répond à une mission de service public
Libérer des données, c’est porter à la connaissance des citoyens des éléments qui les concernent de près ou de loin. C’est répondre à un droit, et ainsi permettre aux étudiants, aux chercheurs, aux créatifs, aux citoyens de mieux connaître leur propre territoire, c’est leur fournir une matière brute à partir de laquelle penser, conceptualiser, construire. Je vous invite à propos à tester cette petite application, “Où habitez-vous vraiment ?”, développée par OWNI, Orange Labs et la Fing, qui vous permettra d’avoir rapidement un aperçu très concret du type de données qui peuvent être concernées par l’open data.
BONNE RAISON N°3 : parce que libérer les données, c’est booster l’attractivité du territoire
Un des arguments principaux qui incite à entrer dans une démarche d’open data réside dans ses retombées économiques. A travers des concours ou en laissant à disposition des données, collectivités et institutions “ouvertes” développent leur capacité à innover. Ce qui demanderait des mois voire des années d’efforts à une collectivité pour développer de nouveaux services à partir des données publiques en prendra ainsi bien moins, et avec des résultats parfois surprenants, pour peu que l’on laisse des entreprises, des associations, des individus s’en emparer. D’après LiberTIC, pour la Catalogne, l’ouverture des données a généré des économies de 500 heures mensuelles de travail et un retour sur investissement en 4 mois.
BONNE RAISON N°4 : parce que l’open data ce sont des bénéfices directs pour les usagers/citoyens
Grâce aux données publiées, vont pouvoir être mises au point des applications, gratuites ou payantes, en triant, traitant, analysant, etc. les données de manière personnalisée et en fonction des besoins. Le destinataire final de toutes ces applications et programmes est bel et bien l’habitant, l’usager, le citoyen, la société. Ainsi, dans le cas du concours d’applications lancé par la Ville de Rennes, ce sont pas moins de 43 applications qui ont été créées, à l’exemple de Handimap qui recense et localise tous les trottoirs surbaissés, ou encore d’Eocity qui rassemble l’ensemble des informations concernant les transports en commun (horaires, parkings-relais…).
BONNE RAISON N°5 : parce que c’est l’opportunité de nourrir le lien entre la collectivité et les acteurs moteurs du territoire
En développant une réelle collaboration avec les acteurs locaux créateurs d’innovation, la collectivité crée et entretient un dialogue enrichissant pour chacune des parties prenantes. Un bon exemple est celui de l’agglomération de Nantes, qui a choisi d’impliquer les acteurs locaux dans la création de sa plateforme d’open data, à l’initiative de l’association LiberTIC. Ce process a permis d’assurer une meilleure efficacité au projet, en mobilisant des compétences et des expériences variées que la collectivité n’aurait pu apporter à elle seule.
BONNE RAISON N°6 : parce que c’est une piste d’avenir pour la construction des politiques publiques
Cette collaboration public-privé, collectivité-citoyens, ne pourra manquer d’apparaître comme prometteuse à l’heure où l’on repense le marketing des services publics de manière transversale, en les centrant pleinement sur l’usager. Une bonne illustration en est le site Seeclickfix.com (“voir, cliquer, réparer”) qui propose aux citoyens la possibilité de signaler des problèmes dans leur commune, tels que les graffitis ou bien des poubelles non ramassées. Les citoyens peuvent ainsi alerter administration et élus, mais aussi proposer des solutions ou encore voter pour les problèmes à régler en priorité. Dans un contexte de restrictions des ressources budgétaires pour les collectivités, les données ouvertes peuvent finalement permettre une action publique plus efficace, plus à l’écoute et plus réactive, et ce n’est pas pour rien que la ville de New York a fondé sa feuille de route numérique sur l’open data.
BONNE RAISON N°7 : l’open data, un outil au service de la démocratie
L’open data peut contribuer à mieux faire comprendre l’action publique et/ou politique. Ainsi, le site Where Does My Money Go (“où va mon argent”) permet de visualiser la répartition des dépenses publiques de Grande Bretagne et d’explorer très simplement l’usage qui est fait des impôts. Au delà du rôle didactique que l’open data peut jouer, il permet aussi de répondre à une vraie demande citoyenne : plus de transparence sur la vie politique et démocratique. Ainsi, l’association Regards Citoyens s’est créé en juillet 2009 autour du développement de NosDeputes.fr. En utilisant les données rendues disponibles, l’association a pu mesurer l’application du système de sanctions voté par l’Assemblée nationale en mai 2009, permettant ainsi de pousser l’Assemblée à mettre en application ces sanctions et à communiquer à minima dessus. À l’inverse, du point de vue de l’élu, l’open data est susceptible d’éclairer la décision publique, en permettant de rendre plus visibles et compréhensibles certains faits marquants du territoire jusque là pressentis ou ignorés.
BONNE RAISON N°8 : parce que libérer les données, c’est donner l’image d’un territoire moderne et ouvert
Bien entendu, au-delà des résultats en termes de dialogue citoyen et d’applications économiques, entrer dans une démarche d’open data a forcément des répercussions sur l’image du territoire et de la collectivité. Rennes l’a d’ailleurs bien compris et le fait d’être l’un des précurseurs en matière de libération des données en France lui permet de mettre en avant son positionnement stratégique axé sur l’innovation numérique.
Lancer une politique d’ouverture des données, c’est actionner un puissant levier de modernisation et de démocratisation de son image pour une collectivité. À l’heure où de plus en plus de collectivités territoriales, d’administrations et d’institutions nationales se sont lancées dans la démarche (cf. la cartographie de LiberTIC ou encore les récents http://www.data.gouv.fr/ pour l’Etat ou http://data.sncf.com/ pour la SNCF), il serait dommage de ne pas prendre le train en marche…
Bien entendu, la communication publique a ici un rôle d’importance à jouer pour valoriser ces politiques innovantes, et ce d’autant plus qu’il est nécessaire de faire un minimum de pédagogie sur ce qu’est l’open data pour y parvenir efficacement.
BONNE RAISON N°9 : parce que la communication publique est tout à fait légitime dans une démarche d’open data
C’est dans l’ADN même de l’open data qu’est inscrite la nécessité d’une médiation pour rendre cette matière première brute que sont les données publiques compréhensibles et utiles. Or, être un médiateur, n’est-ce pas là le propre de tout communicant ?
Pour que l’open data ait une vraie utilité sociale, il faut impérativement toucher le grand public, et non seulement les “geeks”. La plateforme de données de la Saône-et-Loire essaie ainsi de répondre à cet objectif par une cartographie interactive.
Permettre de visualiser ces données, mais surtout sensibiliser les citoyens à cette problématique est aujourd’hui un enjeu de taille pour l’open data, dans lequel les communicants publics ont un rôle clé à jouer.
BONNE RAISON N°10 : parce que la communication publique est nécessaire au développement de l’open data
Dans la société de l’information dans laquelle nous évoluons, l’information, c’est le savoir, et donc le pouvoir. Or, aujourd’hui, les données sont partout et sont produites ou co-produites par tous. C’est une tendance de fond, et il semble vain de continuer à vouloir en maîtriser la production et la diffusion. Si hier le pouvoir appartenait à qui détient l’information, demain (aujourd’hui ?) il reviendra à qui sait la traiter et la faire circuler dans les bons réseaux et par les bons canaux. Parce que le communicant public a aussi une responsabilité en communication interne, il est un levier pour sensibiliser les différents services à la nécessité de partager des données qui jusqu’à présent étaient considérées comme “chasse gardée”.
En résumé, ouvrir ses données, c’est entrer dans une démarche de transparence, développer le dialogue entre acteurs du territoire et favoriser l’innovation. Le communicant public a tout intérêt à se pencher de plus près sur l’open data, car cela a des résonances profondes avec sa propre mission :
– une mission de valorisation de son territoire : on ne peut passer à côté de ce puissant levier d’innovation et de croissance, qui a des conséquences importantes en termes d’image pour le territoire
– une mission démocratique : au vu du potentiel que comporte l’open data sur la question du dialogue citoyen, il semble nécessaire que la communication publique puisse être au coeur de la démarche
Enfin, dernier argument de poids, le communicant public est un acteur clé de l’open data, qui peut revendiquer de fait de participer à cette démarche, notamment en ce qui concerne la phase de sensibilisation et de valorisation qui doit l’accompagner.
Reste maintenant aux communicants publics à s’emparer sans tarder du sujet pour ne pas laisser l’open data aux seules mains des techniciens du numérique.
A noter que le projet relatif à la sensibilisation et à la formation des agents publics à l’Open Data a remporté le Challenge Administration 2020 cette année
http://www.administration2020.fr/espace_actus.html
Effectivement Henri, tu as raison ! C’était un beau projet, que j’ai eu la chance d’accompagner sur la partie communication. Ils peuvent être fiers d’eux !
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Bonjour,
Votre description est argumentée et claire, mais pourquoi, en dernière ligne, mettre en concurrence les communicants publics et “les techniciens du numérique” ? Les projets de données publiques ne sont pas “réservés” aux praticiens numériques (ni aux communicants d’ailleurs). Il s’agit bien au contraire d’une action transversale de changement et d’organisation. Il est, de mon point de vue, dommageable d’en faire également une mission de “communication”. La com’ est une composante essentielle de la libération des données publiques, mais les solidarités aussi, l’éco aussi, l’aménagement aussi, et les TIC aussi. Merci de ne pas confronter les services entre eux au moment où l’ouverture est le maître mot… Bien cordialement.
Bonjour Philippe,
L’objectif de cette dernière phrase n’était bien évidemment pas d’opposer techniciens du numérique et communicants publics. Il s’agissait plutôt d’alerter sur l’urgence de s’intéresser à ce sujet, afin, justement, de pouvoir aboutir à une réelle co-construction entre l’ensemble des services des collectivités (et pas seulement la communication et le numérique), seul gage d’une réussite complète d’un projet d’ouverture des données.
Bien cordialement
Merci pour cet article très intéressant.
Si j’étais mauvaise langue, je dirais plutôt : “10 bonnes raisons pour que les communicants ne s’intéressent définitivement pas à l’Open data” …
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